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Nourrir l'humanité sur une planète aux ressources limitées. Le rôle de l'agriculteur et celui du consommateur

Commençons par quelques enseignements de l'exposé de Bruno Parmentier concernant l'évolution de la demande alimentaire mondiale et la surpopulation. Les chiffres sur la faim dans le monde sont impressionnants : 800 millions de personnes qui n'ont pas assez à manger et 1 milliard qui ne mangent qu'une production (riz, maïs...), cela sur un total de 7,4 milliards d'habitants sur Terre, un chiffre qui pourrait passer à 9,7 milliards en 2050. On peut estimer qu'à cette date, il y aura beaucoup d'endroits dans le monde où l'on aura faim, voire où l'on ne mangera guère. Parmi les chiffres mondiaux, on cite également 1,46 milliards d'humains en surpoids et 557 millions d'obèses.

Au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, il y avait 8 millions d'agriculteurs en France et 45 millions d'habitants qu'on n'arrivait pas à nourrir complètement et on en était encore aux tickets de rationnement. En 2016, les chiffres sont passés 0,5 million d'agriculteurs et 67 millions de Français. Le paradoxe, ou le corollaire, est qu'on dépense beaucoup moins pour se nourrir (12-15%) que pour se loger, et la nourriture est abondante. Alors que dans certains pays en développement, ceux qui consomment prioritairement du riz par exemple, ce sont 70% des revenus qui sont utilisés pour se nourrir.

Dans cette évolution, on doit aussi considérer l'espérance de vie, passée en France de 27 ans en 1789 à 85 ans en 2010 pour les femmes (70 ans en 1950) et 78 ans pour les hommes (63 ans en 1950). Aujourd'hui, on gagne 4 mois d'espérance de vie tous les ans. Ces chiffres peuvent être extrapolés aux années qui viennent et alors que la population humaine s'accroît, il en est de même pour l'espérance de vie. Se pose ainsi la question : comment nourrir toute cette population et comment produire plus avec moins de terres ? Il en résulte que depuis 2000, on ne parvient plus à satisfaire régulièrement la demande mondiale. La demande de céréales a augmenté de 40 % en 15 ans, surtout en raison des consommations animales, mais également des consommations humaines. L'Égypte, par exemple, est le plus gros importateur mondial de blé, puisqu’elle ne peut pas se nourrir avec seulement 4 % de terres cultivables et 85 millions d'habitants.

Parallèlement d'autres problèmes émergent : l'impact du changement climatique et la nécessité de limiter les émissions de gaz à effet de serre (GES), les conséquences de la production d'agrocarburants, le développement du commerce alimentaire international et la variabilité des prix, etc. Autre exemple représentatif, les États-Unis qui produisent 40% du maïs mondial, mais dont un tiers de cette production ne sert qu'à faire de l'éthanol, donc des agrocarburants.

Dans cette logique de l'alimentation mondiale, le 2ème critère sur lequel il convient d'insister est le gâchis considérable qui est fait de l'alimentation puisqu'on parle de 20 à 30 % perdus, ce qui correspond à 1,3 milliard de tonnes d'aliments gâchés à l'échelle mondiale. En France, on mange environ une tonne d'aliments par an et par personne, un total qui se décompose entre 600 l de liquide et 400 kg de solide. Au final, pour manger ces 400 kg de nourriture, on en utilise environ 640, dont on jette de l'ordre de 240 ! Parmi ceux-ci, 80 kg échappent totalement aux statistiques (exemples : les fruits trop petits ou tachés ou les carottes tordues ne sortent pas du champ, tandis que 30 à 50 % de ce qu’on remonte dans les filets de pêche est rejeté, mort, à la mer, sans jamais arriver au port). On peut ajouter les 80 kilos qui sont gâchés dans les opérations de transport, industrialisation et commercialisation. Et, au bout de la chaîne, 40 kilos sont jetés à domicile et autant dans la restauration.

C'est au consommateur que revient la responsabilité principale de ce gâchis, ce qui revient à dire que c'est à lui de décider ce qu'il mange, d'accepter des aliments qui, même s'ils ne sont pas "aux normes", sont néanmoins tout aussi bons ; manger moins mais mieux, éviter les pertes et le gâchis. C'est d'une responsabilité individuelle qu'il s'agit ici. Nous sommes donc tous concernés.

Le 3ème volet qu'il nous faut maintenant aborder est la 3ème révolution agricole sur l’écologie, le numérique et la connaissance, qui fait suite à la seconde, également dénommée "Révolution verte", très axée sur la mécanisation et l'utilisation massive d'intrants divers et à la première axée sur le travail du sol, la culture fourragère et la rotation des cultures. Elle a été en partie préparée par l'agriculture biologique. Cette 3ème révolution, qui est en cours de mise en place, se propose d'aller vers une agriculture « écologiquement intensive » dans laquelle on produit plus ou autant, mais mieux, et avec beaucoup moins de ponction sur les ressources non renouvelables. Il s’agit d’entretenir les écosystèmes, selon les différents régimes climatiques prévalant d'une région à l'autre, en minimisant les intrants (engrais et phytosanitaires) et en se basant sur la fertilité du sol vivant au lieu de ne le considérer que comme un simple support : fin des labours profonds, couverture végétale permanente avec des mélanges de plantes complémentaires, stockage de carbone, agroforesterie, cultures étagées, utilisation maximum des insectes et animaux auxiliaires de culture, etc. Il s’agit de développer une large biodiversité, en favorisant conjointement une agriculture intensive, durable et de précision et le maintien des écosystèmes naturels dans leur diversité et leur durabilité.

Un tel exercice ne se met pas en place en une saison, mais un nombre croissant d'agriculteurs s'y sont engagés et qui, pour cela, s'appuient  notamment sur une gestion agricole très suivie. À nous consommateurs de faire pareil et de valoriser au mieux la production alimentaire.

C'est d'une telle stratégie que Rémy Dumery est venu nous parler et prenant comme exemple son propre domaine agricole en Beauce et son équilibre de productions industrielles et alimentaires, le tout en s'appuyant sur une gestion agricole très suivie dans le détail, grâce aux progrès dans le numérique (logiciels et capteurs). Cela signifie en pratique que toute pratique agricole, tout apport, tout effort d'équilibre écologique, tout résultat de production et de gestion du territoire est pris en compte. Pour prendre un exemple, la cartographie fine des sols, et la connaissance micro locale des aquifères et des taux de carbone, azote, phosphore, etc., permet d'optimiser les apports d'eau et d’engrais en insistant sur les zones qui en ont besoin plutôt que celles où le besoin est beaucoup moins pressant. Bien entendu, une telle stratégie s'appuie sur des pratiques agricoles aussi écologiquement intensives que possible : abandon du labour, agriculture de conservation, gestion fine de l'irrigation, économie d'intrants, prise en compte de la génétique, biocontrôle, le tout selon une organisation de suivi de précision, sans oublier les réalités économiques et sociales : gagner sa vie correctement et préserver un large lien social.

La diversité des questions qui ont suivi les deux exposés souligne la variété des interrogations que se pose le public : place de la technologie, rôle de l'agriculture biologique, gestion numérique (Big Data), impact pour la santé, comptes de suivi, qualité des produits, réalité de la consommation, meilleure compréhension des caractéristiques des sols et de leur rôle, aides de l'État et de l'Europe (Politique agricole commune - PAC) pour assurer les meilleures transitions possibles.

Comme on le voit, les tâches sont multiples, et trois objectifs forts individualisés : nourrir la Planète, chacun à son échelle de producteur ou de consommateur responsable, préserver les ressources de la dite Planète et assurer au mieux le développement des écosystèmes naturels, gage essentiel de durabilité.

Vendredi, 29 Janvier, 2016