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L'Europe face aux migrations et aux réfugiés

Comme le montrent très clairement les cartes publiées dans l'Atlas des Migrations élaboré par C. Wihtol de Wenden (3ème édition, 2012) et présentées sous PowerPoint le 22 janvier, les migrations, principalement Sud-Nord traditionnellement et, plus récemment, Sud-Sud, Nord-Sud (tourisme, retraite...) et Nord-Nord, se répartissent largement à une échelle mondiale, concernent la plupart des pays et ont largement évolué au cours de l'histoire sur le plan du départ, de l'accueil ou du transit des populations, voire les 3 à la fois. Il s'agit soit de migrations internes (75% des cas), soit de migrations internationales (25% des cas), pour un total passé de 77 millions d'individus en 1975 à près de 250 millions aujourd'hui. Les causes elles-mêmes de ces migrations sont multiples puisqu'elles concernent à la fois des initiatives civiles (recherche de travail à l'étranger, souhait de mobilité, regroupement familial, déplacés environnementaux, accroissement de la migration féminine, sortir de la pauvreté..., sans oublier les migrants étudiants et l'exode des cerveaux), et des actions de demande d'asile pour fuir des crises ou des guerres, plus simplement des situations de fort danger pouvant concerner des personnes, des familles, voire des groupes ou des populations entières. On peut aussi considérer que les transferts financiers des migrants vers leur pays d'origine sont une des façons dont les pays développés peuvent soutenir l'activité dans les pays en développement.

 

Au cours de l'histoire, ce sont plutôt les politiques vis-à-vis des demandeurs d'asile qui ont donné lieu à règlementation et mise en place de politiques. Ainsi, s'il est vrai que c'est la Convention, dite de Genève, du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, qui est le principal cadre du droit d'asile en Europe, élargi au monde avec le protocole de Bellagio de 1967 (ce qui a entraîné la fermeture des frontières de nombre de pays occidentaux), la reconnaissance du droit d'asile lui-même relève de l'article 14 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (DUDH), adoptée le 10 décembre 1948 par les 58 États membres de l'ONU à l'époque, dont l'article 13, par ailleurs, porte sur la liberté de circulation. À l'échelle internationale, c'est principalement le Haut Commissariat des Nations Unis pour les réfugiés (UN HCR), créé le 14 décembre 1950, qui intervient. Il a d'ailleurs élaboré un Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié, publié en 1979 et réédité en 1992. D'autres instances onusiennes sont impliquées (voir ci-après) ainsi que le G20.

 

À l'échelle de l'Europe, même si certaines règles et recommandations sont promues au niveau de l'Union européenne (accords de Dublin I en 1990 et II en 2003, Pacte européen sur l'immigration et l'asile de 2008), chaque État membre est responsable de la stratégie qu'il mène vis-à-vis des réfugiés (fermeture ou ouverture des frontières, conditions d'accueil, accès au travail, etc.). En France, le droit d'asile est mentionné dans la constitution de 1946, repris dans celle de 1958 et la protection au titre de l'asile est régie par le Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), entré en vigueur le 1er mars 2005, modifié notamment par la loi du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile, et qui porte à la fois sur les conditions d'entrée des demandeurs et les mesures d'éloignement (rétention administrative, reconduite à la frontière et expulsion). Depuis le 1er janvier 2004, toutes les demandes d'asile se font auprès de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA), guichet unique d'octroi ou de refus de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire (lorsque l'étranger ne remplit pas les conditions d'octroi du statut de réfugié, mais est exposé à des menaces graves dans son pays), ses décisions étant susceptibles de recours devant la Commission, initialement des recours des réfugiés (CRR), créée en 1952 et devenue la Commission Nationale du Droit d'Asile (CNDA) par la loi du 20 novembre 2007.

 

La période des années récentes est caractérisée par un accroissement considérable des migrations, notamment en raison des crises, des violences et des guerres qui sévissent dans certains pays, en particulier d'Afrique et du Moyen Orient. L'Europe, au niveau de l'Union européenne et de chacun des pays membres, s'est trouvé largement prise de cours par cette situation, qui a entraîné une limitation de l'accès et un blocage des frontières, et par conséquence le développement des systèmes de passeurs pour franchir illégalement de nombreuses frontières, un grand nombre de morts aux frontières et la multiplication des situations de précarité, alors que le droit d'émigrer est reconnu expressément dans la DUDH de 1948, comme nous l'avons évoqué plus haut. La France, outre les 60 000 demandeurs d'asile accueillis annuellement, s'est engagée à en accueillir 30 000 de plus sur 2 ans dans le cadre du Plan Juncker, des chiffres très inférieurs à ceux de l'Allemagne.

 

Pour conclure, il est peu probable que les difficultés et les inégalités en matière de migration et de demande d'asile ne s'accroissent pas à l'avenir en lien avec des situations très inégalitaires d'un pays à l'autre, notamment en matière de passeport et de visa (pour des français, par exemple, 170 pays accessibles sans visa et 5 seulement avec passeport), des crises et des guerres à différentes échelles, mais aussi des causes naturelles liées au changement climatique et la variabilité de ses conséquences d'une région à l'autre, parallèlement à la nécessité de nourrir et d'abreuver une population mondiale, en forte croissance, mais très inégale d'une région à l'autre, et de plus en plus urbanisée (plus de 50% de la population mondiale en 2014 selon les Nations Unies). Et cela, malgré les efforts de prise en compte des problèmes à l'échelle internationale, notamment au niveau de la gouvernance mondiale, par l'intermédiaire du Groupe mondial sur la migration (GMG, Global Migration Group), créé début 2006 par les Nations Unies et auquel 10 de ses agences participent, et du Forum mondial sur la migration et le développement (FMMD), initiative au niveau des pays membres des Nations Unies, dont la première session s'est tenue en 2007 et la 8ème en 2015.

Intervenante : Catherine Wihtol de Wenden, Directrice de recherches CNRS, Centre de recherches internationales (CERI), Sciences Po), membre du Comité d'orientation de la Cité nationale de l'Histoire de l'immigration.

Vendredi, 22 Janvier, 2016